Alors que les habitants de Crotone priaient celui-ci de
"représenter en une muette image, la beauté féminine" pour orner le
nouveau temple d'Héra, le peintre exigea qu'on lui présente les plus
belles filles de la ville à titre de modèle. Après leur avoir demandé
de se dévêtir, il en choisit cinq et composa un nu parfait à partir des
plus belles formes de chacune d'elles. Cette anecdote nous rappelle que
lorsque nous admirons la figure de la beauté idéale dans une oeuvre
d'art, nous en contemplons en réalité une reconstitution sublimée par
le travail de l'artiste.
C'est pourquoi le nu, terme appartenant au vocabulaire des Beaux-Arts
depuis le XVIIème siècle, désigne, plutôt que le sujet lui-même, une
forme d'art qui s'attache à inventer un corps humain exprimant un
idéal, en conformité avec des exigences esthétiques et morales, à
travers la peinture, la sculpture, la photographie. Et si l'on
rencontre aussi, parfois, le mot nudité, il faut bien constater que cet
emploi est moins fréquent. Sans doute ce terme présente-t-il le défaut
d'insister davantage sur l'état dévêtu du modèle que sur la forme de
l'oeuvre elle-même. En effet, le nu est une forme d'art qui représente
un corps nu, c'est entendu, mais ce corps nu est toujours remodelé,
rééquilibré et reconstruit par l'artiste."